samedi 21 décembre 2013

Haïti : L’Odyssée ’Light’ des musiques noires

Un voyage merveilleux, une aventure épique, voilà ce qu’est une odyssée. Une histoire riche, pleine de rebondissements, de héros vivants ou morts, de périodes mythiques et de paysages de légende. La musique a de ces histoires merveilleuses qui voient la naissance de genres nouveaux, évoluant de pair avec les sociétés dans l’histoire, à travers crises et allégresses vers des limites sans cesse repoussées.

“L’Odyssée des musiques noires” est une exposition numérique itinérante produite par Mondomix depuis décembre 2010. Elle a été présentée dans de nombreux pays, comme l’Afrique du Sud et la Réunion, mais c’est dans une formule réduite qu’elle fait, depuis le 8 novembre, son passage en Haïti avec la collaboration du MUPANAH, de l’Institut Français en Haïti et de la FOKAL.

Cette exposition multimédia “version allégée” se propose de nous faire
connaître l’histoire, la richesse et la diversité des musiques noires au-delà des frontières géographiques. L’occasion tout de même pour le MUPANAH de mettre en valeur la contribution haïtienne à la musique à travers une exposition parallèle faisant hommage à Azor, Toto Bissainthe, Tabou Combo, Orchestre Septentrional, Orchestre Tropicana d’Haïti et Sweet Micky...

Expo allégée - 2% de matière grasse

Il s’agit donc de deux expositions qui se côtoient et s’emmêlent dans la salle réservée aux manifestations contemporaines du Musée. Il y a d’abord cette exposition hommage, présentant des objets ayant appartenus aux artistes mentionnés ci-dessus, qui pour la plupart célèbrent cette année un anniversaire significatif (Septen 65 ans, Tabou 45 ans, etc. ). On peut ainsi découvrir, affiches et photos, costumes de scène, instruments de musique, vieux vinyles, CDs, portraits peints et bijoux faisant partie de l’histoire de ces groupes. Quelques éléments des ces vitrines sont particulièrement intéressants comme le portrait de Toto Bissainthe par Luce Turnier, les bottes laquées blanches d’Azor avec embout métallique et dragons dorés, le saxophone d’Hulrick Pierre Louis, les partitions du Tropicana. Ajoutée à cela, et en fin de parcours un peu comme une arrière-pensée, deux écrans télé présentant deux documentaires, l’un sur l’Orchestre Tropicana et l’autre réalisé pour les 25 ans de Sweet Micky, célébrés cette année. Après avoir fait le tour de l’exposition, il faut vraiment en avoir envie…

“L’Odyssée des musiques noires”, de son côté, comporte six bornes interactives munies chacune d’un écran tactile et de deux écouteurs. Chaque borne est dédiée à un genre musical et offre une série de courts métrages d’environ 10 minutes retraçant la vie et la carrière d’artistes dont la musique correspond au genre en question. Vient en premier lieu la borne “Afro Sounds” où sont classées des vignettes sur Toto Bissainthe, Azor et Tabou Combo aux côtés de Fela Kuti, Manu Dibango et Miriam Makeba. Se suivent ensuite les bornes “Jazz”, “R’n’b et Soul”, “Pop, reggae et funk”, “Rock et Blues” et enfin “Global Mix”, cette dernière borne ne présentant pas des individualités mais un survol général des thèmes suivants : Reggae, Hip Hop occidental, Hip Hop Africain, Black Music Machine, African Mix... Il y a au total 22 artistes dans l’Odyssée dont 13 États-uniens, 5 venant du continent africain, 3 Haïtiens et 1 Brésilien.

Un espace de projection est aussi aménagé, délimité par des rideaux noirs. On y passe en boucle un montage de documentaires sur la musique : “ “Mama Africa”, films documentaires sur les musiques africaines traditionnelles et modernes, et “Amériques Noires” divisée en “Suites caribéennes” et “ Rhythm’n’Blues, Soul, Funk : la marche pour les droits civiques”, 6’50 de durée pour l’avant dernière, pi piti pi bon ?

Où commencent et finissent les musiques noires ?

L’exposition présentée en Haïti est allégée, mais il y a pourtant plein de choses à voir, plus ou moins 400 minutes d’information audio-visuelle à découvrir selon ses goûts et suivant son rythme. Plusieurs visites seront certainement nécessaires si on est de ceux qui veulent tout savoir et tout voir. Un choix des producteurs laisse pourtant perplexe : il n’y a aucune documentation accompagnant les différentes bornes autres que des grandes affiches avec les portraits de certains des artistes. On est donc confronté à “Afro Sounds”, “Jazz” “R’n’b et Soul” sans forcément savoir dans l’absolu ce que ces dénominations recouvrent, où ces genres commencent dans le temps, où elles s’arrêtent ou du moins se transforment. Il n’est pas improbable que quelques unes de ces réponses se trouvent dans certains des courts métrages, mais il n’y a a priori aucun ordre d’accès aux bornes - autre que celui de l’ordre dans lequel elles sont arrangées - donc comment accéder à ces réponses ?

Vu la part laissée aux musiciens américains dans la sélection, il y a lieu aussi de se demander si les musiques noires sont états-uniennes. Certainement, l’exposition présente un échantillon des grands noms et événements qui ont marqué les musiques noires. Des noms mondialement connus parmi lesquels, Elvis Presley...Le King ! Sans tenir compte du contenu de la vignette qui lui est dédiée et qui pourrait justifier sa présence de mille façons, Elvis Presley est une exception parmi les artistes choisis. Soit il a, à notre insu, un petit orteil noir, soit il a tellement bien joué de la musique “noire” qu’il mérite d’être placé parmi les grands, et aucun “blanc” après lui n’a pu le faire, soit encore la musique n’a pas de couleur, juste une communauté d’origine qui la crée, la nourrit et la laisse au monde entier, toutes couleurs confondues, afin qu’elle se développe. Il y a sûrement eu appropriation de certains genres, ré-appropriation en gwo ponyèt, injustices diverses dans le secteur de la musique au cours de l’histoire. Mais toutes ces musiques auxquelles nous sommes confrontés dans l’exposition, ne sont-elles produites que par des artistes d’origine noire africaine et quel est leur futur ? Cette réponse est peut être aussi cachée dans les vignettes non encore visionnées.

Une exposition à ne pas rater

On n’a pas souvent l’occasion d’avoir des expositions de cette ampleur autour de la musique en Haïti. Le memorabilia est évocateur et empreint de nostalgie. Les installations audiovisuelles fonctionnent bien (toujours une agréable surprise en Haïti) et donne accès à des courts métrages intéressants, permettant la découverte de nombreux artistes dont on ignore souvent bien des choses.

Après l’avoir vue, il restera toujours bien des choses à découvrir, on ne peut qu’en être heureux. C’est une exposition à visiter et à revisiter si possible, le temps d’être sûr d’avoir tout compris de ce qui est dit et aussi de ce qui ne l’est pas. Il y a sujets maints à réflexion. En attendant, écoliers de tous âges découvrent touss les jours des musiques dont ils n’ont jamais entendu parler auparavant. L’exposition prendra fin le 27 novembre.

Par Tessa Mars Alter Presse

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