Un voyage merveilleux, une aventure épique, voilà ce qu’est une
odyssée. Une histoire riche, pleine de rebondissements, de héros vivants
ou morts, de périodes mythiques et de paysages de légende. La musique a
de ces histoires merveilleuses qui voient la naissance de genres
nouveaux, évoluant de pair avec les sociétés dans l’histoire, à travers
crises et allégresses vers des limites sans cesse repoussées.
“L’Odyssée des musiques noires” est une exposition numérique
itinérante produite par Mondomix depuis décembre 2010. Elle a été
présentée dans de nombreux pays, comme l’Afrique du Sud et la Réunion,
mais c’est dans une formule réduite qu’elle fait, depuis le 8 novembre,
son passage en Haïti avec la collaboration du MUPANAH, de l’Institut
Français en Haïti et de la FOKAL.
Cette exposition multimédia “version allégée” se propose de nous
faire
connaître l’histoire, la richesse et la diversité des musiques
noires au-delà des frontières géographiques. L’occasion tout de même
pour le MUPANAH de mettre en valeur la contribution haïtienne à la
musique à travers une exposition parallèle faisant hommage à Azor, Toto
Bissainthe, Tabou Combo, Orchestre Septentrional, Orchestre Tropicana
d’Haïti et Sweet Micky...
Expo allégée - 2% de matière grasse
Il s’agit donc de deux expositions qui se côtoient et s’emmêlent dans
la salle réservée aux manifestations contemporaines du Musée. Il y a
d’abord cette exposition hommage, présentant des objets ayant appartenus
aux artistes mentionnés ci-dessus, qui pour la plupart célèbrent cette
année un anniversaire significatif (Septen 65 ans, Tabou 45 ans, etc.
). On peut ainsi découvrir, affiches et photos, costumes de scène,
instruments de musique, vieux vinyles, CDs, portraits peints et bijoux
faisant partie de l’histoire de ces groupes. Quelques éléments des ces
vitrines sont particulièrement intéressants comme le portrait de Toto
Bissainthe par Luce Turnier, les bottes laquées blanches d’Azor avec
embout métallique et dragons dorés, le saxophone d’Hulrick Pierre Louis,
les partitions du Tropicana. Ajoutée à cela, et en fin de parcours un
peu comme une arrière-pensée, deux écrans télé présentant deux
documentaires, l’un sur l’Orchestre Tropicana et l’autre réalisé pour
les 25 ans de Sweet Micky, célébrés cette année. Après avoir fait le
tour de l’exposition, il faut vraiment en avoir envie…
“L’Odyssée des musiques noires”, de son côté, comporte six bornes
interactives munies chacune d’un écran tactile et de deux écouteurs.
Chaque borne est dédiée à un genre musical et offre une série de courts
métrages d’environ 10 minutes retraçant la vie et la carrière
d’artistes dont la musique correspond au genre en question. Vient en
premier lieu la borne “Afro Sounds” où sont classées des vignettes sur
Toto Bissainthe, Azor et Tabou Combo aux côtés de Fela Kuti, Manu
Dibango et Miriam Makeba. Se suivent ensuite les bornes “Jazz”, “R’n’b
et Soul”, “Pop, reggae et funk”, “Rock et Blues” et enfin “Global Mix”,
cette dernière borne ne présentant pas des individualités mais un
survol général des thèmes suivants : Reggae, Hip Hop occidental, Hip
Hop Africain, Black Music Machine, African Mix... Il y a au total 22
artistes dans l’Odyssée dont 13 États-uniens, 5 venant du continent
africain, 3 Haïtiens et 1 Brésilien.
Un espace de projection est aussi aménagé, délimité par des rideaux
noirs. On y passe en boucle un montage de documentaires sur la musique :
“ “Mama Africa”, films documentaires sur les musiques africaines
traditionnelles et modernes, et “Amériques Noires” divisée en “Suites
caribéennes” et “ Rhythm’n’Blues, Soul, Funk : la marche pour les droits
civiques”, 6’50 de durée pour l’avant dernière, pi piti pi bon ?
Où commencent et finissent les musiques noires ?
L’exposition présentée en Haïti est allégée, mais il y a pourtant
plein de choses à voir, plus ou moins 400 minutes d’information
audio-visuelle à découvrir selon ses goûts et suivant son rythme.
Plusieurs visites seront certainement nécessaires si on est de ceux qui
veulent tout savoir et tout voir. Un choix des producteurs laisse
pourtant perplexe : il n’y a aucune documentation accompagnant les
différentes bornes autres que des grandes affiches avec les portraits de
certains des artistes. On est donc confronté à “Afro Sounds”, “Jazz”
“R’n’b et Soul” sans forcément savoir dans l’absolu ce que ces
dénominations recouvrent, où ces genres commencent dans le temps, où
elles s’arrêtent ou du moins se transforment. Il n’est pas improbable
que quelques unes de ces réponses se trouvent dans certains des courts
métrages, mais il n’y a a priori aucun ordre d’accès aux bornes - autre
que celui de l’ordre dans lequel elles sont arrangées - donc comment
accéder à ces réponses ?
Vu la part laissée aux musiciens américains dans la sélection, il y a
lieu aussi de se demander si les musiques noires sont états-uniennes.
Certainement, l’exposition présente un échantillon des grands noms et
événements qui ont marqué les musiques noires. Des noms mondialement
connus parmi lesquels, Elvis Presley...Le King ! Sans tenir compte du
contenu de la vignette qui lui est dédiée et qui pourrait justifier sa
présence de mille façons, Elvis Presley est une exception parmi les
artistes choisis. Soit il a, à notre insu, un petit orteil noir, soit il
a tellement bien joué de la musique “noire” qu’il mérite d’être placé
parmi les grands, et aucun “blanc” après lui n’a pu le faire, soit
encore la musique n’a pas de couleur, juste une communauté d’origine qui
la crée, la nourrit et la laisse au monde entier, toutes couleurs
confondues, afin qu’elle se développe. Il y a sûrement eu appropriation
de certains genres, ré-appropriation en gwo ponyèt, injustices diverses
dans le secteur de la musique au cours de l’histoire. Mais toutes ces
musiques auxquelles nous sommes confrontés dans l’exposition, ne
sont-elles produites que par des artistes d’origine noire africaine et
quel est leur futur ? Cette réponse est peut être aussi cachée dans les
vignettes non encore visionnées.
Une exposition à ne pas rater
On n’a pas souvent l’occasion d’avoir des expositions de cette
ampleur autour de la musique en Haïti. Le memorabilia est évocateur et
empreint de nostalgie. Les installations audiovisuelles fonctionnent
bien (toujours une agréable surprise en Haïti) et donne accès à des
courts métrages intéressants, permettant la découverte de nombreux
artistes dont on ignore souvent bien des choses.
Après l’avoir vue, il restera toujours bien des choses à découvrir,
on ne peut qu’en être heureux. C’est une exposition à visiter et à
revisiter si possible, le temps d’être sûr d’avoir tout compris de ce
qui est dit et aussi de ce qui ne l’est pas. Il y a sujets maints à
réflexion. En attendant, écoliers de tous âges découvrent touss les
jours des musiques dont ils n’ont jamais entendu parler auparavant.
L’exposition prendra fin le 27 novembre.
Par Tessa Mars Alter Presse
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